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  • Photo du rédacteurlaurapodjarny

Le sort des créations des salariés



Lorsqu’un salarié crée un contenu original dans le cadre de ses fonctions, que ce soit des dessins pour illustrer une BD, des visuels pour le trailer d'un jeu vidéo, ou encore des compositions musicales pour le générique d'un film, il en détient en principe la propriété au sens du droit d’auteur[1].

Il existe toutefois trois situations dans lesquelles l’employeur peut être titulaire des droits sur une œuvre créée par son (ses) salarié(s).

1. L’œuvre est collective[2]:

C’est à dire que « l’œuvre –est- créée sur l’initiative d’une personne - qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et sous son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

Ce peut être le cas d’un journal ou d’un jeu vidéo, par exemple lorsque Ubisoft fournit à ses équipes l'ensemble des directives propres à la création d'un jeu qu'elle publie en son nom.

Si toutes ces conditions sont réunies, ce n’est plus le salarié qui a participé à la création de l’œuvre, mais l’entreprise qui en a pris l’initiative, l’édite et la publie qui en détient la propriété intellectuelle dès l’origine.

La prudence est de rigueur, les juges peuvent évincer cette qualification si toutes les conditions ne sont pas réunies.

EN PRATIQUE :

  • L’entreprise doit pouvoir fournir des preuves écrites des instructions qu’elle a donné aux salariés et prouver leur absence (ou minimum) d’autonomie dans l’exécution de celles-ci. Cela peut se faire à l’aide de lettres de mission, de réunions régulières à l’issue desquelles un compte-rendu est rédigé, d’un cahier des charges remis à chaque salarié.

  • Eviter que chaque contribution soit identifiable. Dans un jeu vidéo par exemple, toutes les contributions sont fondues en général, mais la musique peut rester détachable et à ce titre évincer la qualification d'oeuvre collective vis à vis du musicien.

  • Dans le contrat de travail : il convient de décrire en détail la mission du salarié et préciser qu’il reçoit des instructions de création de la part de l’employeur qui est le titulaire des droits d’auteur.

2. L’œuvre est un logiciel :

"Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer[3]."

La qualité de cadre rend automatique cette disposition, même lorsque le logiciel a été réalisé au domicile de celui-ci pendant ses heures de travail[4] ou bien en dehors de ses heures de travail mais avec le matériel de l’entreprise[5].

EN PRATIQUE :

  • Le développement du logiciel doit avoir lieu pendant les heures de travail, avec le matériel de l’entreprise.

  • Dans le contrat de travail : préciser que le développement de logiciel(s) est inhérent au poste du salarié. A défaut, rédiger un ordre de mission précis demandant au salarié de réaliser un logiciel et signé par le représentant de l’entreprise.

  • Prévoit le droit de réutiliser le logiciel dans des suites.

3. Les droits d’auteur sont cédés par le salarié :

Si l’œuvre créée par un salarié n’est ni collective ni logicielle, l’entreprise peut s’en faire céder les droits par le salarié pour pouvoir l’exploiter.

Cette cession doit être écrite.

L’article L.131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle indique les mentions obligatoires d’une cession de droits d’auteur : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »

Il prévoit en outre, que la cession globale des œuvres futures est interdite. Cette disposition rend donc nulle toute clause de cession automatique ou bien toute clause d’un contrat portant sur des œuvres qui n’existeraient pas au jour de la signature du contrat de travail par exemple. Malheureusement pour l’employeur, le contrat de travail ne peut suffire en pareille situation, il convient de signer avec le salarié des contrats de cession pour chacune de ses créations[6].

EN PRATIQUE :

  • Conclure un contrat de cession pour chaque œuvre (sous la forme d’un avenant au contrat de travail par exemple)

  • Indiquer que la cession a lieu au fur et à mesure de la réalisation de l’œuvre, identifiée précisément.

  • La cession de droits doit respecter le formalisme de l’article L131-3 CPI et préciser que la cession concerne également le droit d'exploiter l’oeuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat.

  • La cession peut être à titre gratuit dès lors que le salarié y consent expressément. Il est néanmoins conseillé de prévoir une rémunération spécifique, distincte du salaire, lequel ne vaut pas rémunération de la cession. Cette rémunération doit être proportionnelle « aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ». Il est toutefois possible de recourir à un montant forfaitaire sous certaines conditions notamment lorsque la cession concerne un logiciel[7].

[1] L111-1 CPI

[2] L113-2 CPI

[3] L113-9 CPI

[4] Paris, 29 octobre 1987, Katona, JCP G, 1989, I, 3376, annexe 6

[5] CA Nancy, 13 sept. 1994, JCPE 1996, I, 559, n°2.

[6] Par exemple : Cass. Soc. 7 janvier 2015, n°13-20224

[7] L131-4 CPI

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